Hinche,Entre le lundi 15 et le lundi 22 juin 2015, plus de 4 mille migrantes et migrants haïtiens sont rapatriés de force, de la République Dominicaine, vers divers points frontaliers au haut Plateau central, selon les témoignages recueillis par AlterPresse.
« Le nombre de rapatriés est tellement élevé (ils arrivent par vagues successives) qu’il devient de plus en plus difficile de les enregistrer dans nos formulaires », explique à AlterPresse Joseph Arnold Pen, représentant du Réseau frontalier Jeannot Succès (Rfjs) à Thomassique (à 17 km au nord-est de Hinche).
Le Rfjs n’a pas les moyens appropriés (mobiliers, dont chaises, matelas et autres) pour faire face à ce flux migratoire immense en diverses zones du haut Plateau central.
En début d’après-midi du lundi 22 juin 2015, de timides efforts étaient observés à la mairie de Thomassique, qui a initié un processus de livraison de matelas et de kits alimentaires aux personnes rapatriées.
Ces dernières sont expulsées vers Haïti après avoir été appréhendées dans leurs maisons, sur leurs lieux de travail et à travers les rues en République Dominicaine.
Interceptés à Santo Domingo, Santiago de Los Caballeros, San Juan de la Maguana, les rapatriés haïtiens sont conduits par les autorités dominicaines vers différents points frontaliers au haut Plateau central.
D’autres sont déportés vers Tilori (dans la commune de Cerca-la-Source) et d’autres zones comme Bòk Banik, localité limitrophe de la municipalité dominicaine « Pedro Santana ».
Ainsi, depuis huit jours, le haut Plateau central accueille-t-il, au quotidien, des milliers de migrants haïtiens qui sont contraints de quitter la république voisine.
Des résidents des communes de Hinche, de Thomassique et de Cerca-la-Source craignent des retombées négatives de cette vague de déportation qui risque de compromettre l’avenir de leurs communes respectives, selon leurs témoignages.
Le représentant du Rfjs à Thomassique s’élève contre les conditions déplorables, dans lesquelles sont déportées ces personnes du territoire dominicain.
« Ces personnes sont rapatriées, dépourvues de tout. Nous avons reçu des adultes, des vieillards, qui arrivent pieds nus et des enfants sans vêtements », souligne Pen.
Ces personnes rapatriées, y compris des femmes enceintes, risquent de faire face à de nombreuses épreuves, pour survivre dans des zones dont elles ne sont pas originaires.
Les milliers de nouvelles personnes, rapatriées ces derniers jours au haut Plateau central, sont originaires, pour la plupart, du Limbé (Nord d’Haïti), de Gros Morne, de Verrettes et de Saint-Michel de Lattalaye (Artibonite).
A Thomassique, des fonds sont en train d’être collectés au sein de la population en faveur de ces compatriotes, privés de nourriture et d’argent.
A Hinche, l’émotion reste vive durant l’accueil des rapatriés.
C’est avec contentement, malgré tout, que l’octogénaire Gabriel Altéas a accueilli son fils aîné, du nom de Mario, qui a laissé sa maison à Hinche, en juin 1990, pour s’installer à Santo Domingo.
Âgé maintenant de 51 ans, son fils a choisi, volontairement, de quitter le territoire dominicain, avec sa femme et ses deux enfants, pour commencer une nouvelle vie en Haïti.
Des témoignages de jeunes rapatriés retracent les nombreuses difficultés endurées en République Dominicaine.
« Nous n’avons pas pu ramener nos bagages. Même nos vêtements sont restés là-bas », regrettent-ils.
Un jeune homme, déporté du territoire voisin, éprouve de grandes difficultés pour s’exprimer en Créole.
Il a été arrêté en compagnie de dix autres amis, alors qu’ils étaient tous en route pour aller travailler.
La porte-parole de la Ligue pour la défense et le respect des droits humains au Plateau central (Liderdhpc), Ronise Marin, dénonce l’inertie de la communauté internationale devant cet acte génocidaire, orchestré par les autorités dominicaines.